En juillet dernier, Michael Growcott a reçu le « Prix du Moulin » de l’exposition « Les peintres de la Brenne ». Les aquarelles de ce citoyen britannique reproduisent, grâce à un trait d’une extrême finesse, une partie du patrimoine berrichon. Ce sont en effet les maisons de campagne ou des bourgs que le peintre a plaisir à restituer, avec un très grand réalisme. Des œuvres qui traduisent l’attachement de Michael à sa région d’adoption où il est installé depuis 2011, à Subtray, en compagnie d’Avril, son épouse. Et de fait, l’un comme l’autre affirment se sentir bien, dans ce coin de Brenne, où ils coulent une paisible retraite . Aucune nostalgie pour leur terre natale. Le couple a rapidement trouvé ses marques. L’absence de difficulté majeure pour s’adapter à un nouveau pays, n’a cependant pas de quoi surprendre, lorsque l’on connaît la vie mouvementée qui a été la leur durant plusieurs décennies. Les différents emplois occupés par Michael pour le Ministère des Affaires Étrangères britanniques les ont, en effet conduit aux quatre du monde.
Une carrière dans le milieu diplomatique qui n’était sans doute pas une voie toute tracée.
Michael est né en 1948 à Lincolnshire, une petite ville d’une région agricole de l’Est de l’Angleterre. Il suit ses études jusqu’à l’année du Bac qu’il ne décrochera pas. « J’étais très paresseux », reconnaît-il. À 18 ans, sans diplôme, il commence sa vie active dans l’entreprise de comptabilité de son père. Il y travaillera pendant une année durant laquelle il se portera candidat à l’entrée au Ministère des Affaires Étrangères.
« Il a fallu attendre que les investigations sur mes antécédents soient menés à bout. J’ai appris à cette occasion que j’avais de lointains rapports familiaux avec un communiste américain. » Son embauche au ministère, ne lui pas été refusée pour autant. Il est alors affecté au service du courrier. Pour peu de temps. Il accède au département où sont organisées les réunions des chefs d’États du Commonwealth. Pour se faire, il réussit un examen en se classant premier sur près de mille candidats.
Le « paresseux » Michael a dû probablement travailler dur, pour un tel résultat. Il occupe toujours cette fonction en 1971, lorsqu’il rencontre Avril qui finissait quatre années d’études à Cambridge, validées par une licence de Français lui permettant d’accéder au poste de professeur.
Les jeunes époux passeront leur lune de miel sur le bateau qui les emmène en Ouganda, premier poste à l’étranger pour Michael. Il sera en charge d’un service relevant du secteur de l’immigration, des cartes de séjours, notamment, dans la capitale d’un pays dirigé par le tristement célèbre Idi Amin Dada. Michael et Avril resteront en Ouganda jusqu’en 1973. C’est là que naîtra Kirsty, leur première fille.
Puis, Michael sera missionné en Chine de 1974 à 1975. Leur garçon Alastair y verra le jour. À Pékin, le travail est assez semblable à celui exercé en Ouganda. À la suite de la nomination suivante de Michael, la famille changera de continent pour séjourner en Afrique du Sud. « Une expérience humaine difficile », confie le couple qui vivra en direct la réalité du régime de l’apartheid, les émeutes des Africains, les discriminations, le racisme.
1978, retour en Angleterre. C’est une famille plus nombreuse qui déménage, avec la venue au monde de Caroline. Les Growcott marqueront une « pause » de 18 mois outre-manche, avant de s’envoler pour les Iles Malouines. Michael est appelé à tenir un poste plus élevé, celui d’assistant du gouverneur. Un travail qui prendra fin avec la guerre déclenchée en 1982, entre l’Argentine et le Royaume-uni. Obligée de quitter les lieux, manu-militari, c’est par un passage en Uruguay que la famille rejoindra l’Angleterre puis une nouvelle destination : la Malaisie. Trois ans à Kuala Lumpur pour une action moins administrative et plus politique. Un rôle différent qu’il endossera d’une autre façon à Londres, à partir de 1986. En tant que chef du comité des syndicats rayonnant sur l’ensemble des ministères, il est chargé de présenter leurs revendications et propositions. La fin des années 1980 ne sonnent pas pour autant un début de sédentarisation dans les activités de Michael. Ces dernières fonctions l’amèneront à travailler avec d’autres représentants des travailleurs en se rendant en Nouvelle-Zélande et au Canada, notamment. Les affectations suivantes le conduiront tout d’abord à Bruxelles de 1990 à 1994 puis à Sainte-Lucie où Michael prend du grade. Il est nommé « Haut-commissaire sur place ». Sa mission représentative consiste à négocier pour les intérêts de son pays. Il occupera ce poste jusqu’en 1998. La dernière décennie de sa vie professionnelle se déroulera à Londres où il aura à sa charge en particulier, la gestion des bâtiments.
Il achève sa carrière en 2008. Ces quarante années de bons et loyaux services ont été assumés sur tous les continents, en compagnie de son épouse Avril, qui de son côté enseignera pratiquement dans toutes les villes où Michael était affecté. C’est en 2010 qu’à son tour, elle prendra sa retraite, après une vie active marquée par la volonté de s’imprégner de la réalité du vécu des populations. « Nous avons toujours cherché à sortir du milieu diplomatique, à connaître les gens, leurs cultures » affirment-ils.
Et pour Michael, c’est par l’expression artistique qu’il développera ce besoin de partage. En marge de ses occupations professionnelles, il trouvera partout la possibilité de constituer des groupes musicaux. Car Michael joue du violon depuis l’âge de 7 ans et n’a jamais abandonné sa pratique, depuis l’époque où s’était formé un orchestre de jeunesse à Grimsby, une localité proche de chez lui. L’amour de la musique c’est aussi le chant et son goût pour les chorales. À Londres, il deviendra chef d’un chœur, créé parmi les employés du Ministère des Affaires Étrangères.
Autant de rencontres qui demeurent, à n’en pas douter, présentes dans l’esprit et le cœur de Michael. Mais tous ces lieux, ces villes, ces territoires fréquentés, l’ont incité également à se saisir de pinceaux et de peintures. Au hasard de ses pérégrinations, il sauvegardera, grâce à ses aquarelles, l’image des bâtiments et paysages qui ont jalonné son quotidien.
Ses sources d’inspirations émergent toujours du milieu qui l’entoure, sans pour autant oublier ses attaches du passé. Chaque année, des anciens amis de l’orchestre de jeunesse rejoignent Michael pour reconstituer selon les disponibilités des uns et des autres un quartet ou un quintet. Mais depuis une douzaine d’années, c’est désormais parmi le monde brennou qu’il s’adonne essentiellement à ses loisirs préférés. La peinture : il exposera ses aquarelles en novembre prochain, au Moulin de Mézières-en-Brenne. Le chant : il participe à l’Ensemble vocal de l’école de musique du Blanc et à la chorale La voie mélodieuse.
Impliquée dans la vie locale, Avril l’est tout autant par une présence dans l’activité des associations, tel le comité de jumelage de Barzano, le Moulin ou le club de marche. Elle a par ailleurs dispensé des cours d’anglais, en grande section de l’école maternelle et également présenté des lectures.
Depuis longtemps Michael comme Avril ont été séduits par la France qu’ils ont découverte au travers de nombreux voyages. Conquis par la Brenne, sa nature et sa vie paisible, ils apportent avec simplicité et talent, leur sensibilité et leur sens du partage.
La Brenne se sent auréolée par l’engagement de personnes aussi délicieuses que sont Michael et Avril.