Pour leur réunion du mois de septembre, les participants au club de lecture de Mézières se sont retrouvés autour de livres aux thèmes forts. Témoignages de réalités sociale et politique diverses, les ouvrages portent, pour la plupart, sur des combats émancipateurs. De la lutte parisienne de la Commune de 1871, à la condition féminine camerounaise en passant par la la chronique d’une famille suédoise entre 1941 et 1981, entre autres.
Le sang des cerises.
Anne Marbrun. Histoire romancée. Editeur : Souny.
212 pages. Livre de la Médiathèque de Mézières.
6 mai 1871. La Commune de Paris n’a plus que quelques jours à vivre, mais elle ne le sait pas encore. Dans la ville assiégée et fiévreuse, on continue à faire table rase du passé en abattant la colonne Vendôme. Arthur Balantin a trente ans, il vit dans une cave remplie de costumes de théâtre et la guerre n’est pas son affaire. La Commune, pour lui, c’est la fête dans les rues et sa rencontre avec la jolie Louison, infirmière et prostituée ; ils vont s’aimer comme on aime quand les jours sont comptés et les heures éternelles. C’est aussi le petit Momo, dix ans, chiffonnier et chanteur des rues, le Gavroche de toutes les villes et de toutes les révolutions. Mais le » Temps des cerises » dure le temps d’un baiser. Les troupes versaillaises rentrent dans Paris bombardé, massacrent les insurgés ; c’est la Semaine sanglante, la Seine va couler rouge. Arthur se retrouve un fusil à la main, communard malgré lui. Louison meurt sur une barricade, et la liberté avec elle. Momo chantera-t-il encore ses airs de merle moqueur ? Pudique et émerveillé, vif et tremblant, le roman d’Anne Marbrun nous restitue la Commune dans toute la pureté de sa légende et l’ardeur de sa réalité. Ce livre sent la poudre et le vin blanc, les tonnelles et l’orage, le printemps et la mort. Il est beau comme tout ce que nous avons perdu et qui reviendra.
Daisy Sisters
Hennig Mankell.
. Roman. 2016. Editeur : Seuil. 502 pages.
Livre de la BDI actuellement à la Médiathèque de Mézières.
Été 1941, en Suède. Deux amies, Elna et Vivi, dix-sept ans, de condition modeste, s’offrent une escapade à bicyclette à travers la Suède en longeant la frontière de la Norvège occupée par les nazis. L’aventure, d’abord idyllique ? l’été de toutes les joies, de tous les espoirs ? est de courte durée : Elna, violée, revient chez elle enceinte d’une petite fille qu’elle appellera Eivor.
1960. Eivor, dix-huit ans, en révolte contre sa mère, veut devenir une femme libre. Elle s’enfuit du village avec un jeune délinquant. Que lui réserve l’avenir ? Réalisera-t-elle son rêve d’indépendance et de liberté, et à quel prix ?
En s’attachant aux destins d’une mère et de sa fille entre 1941 et 1981 en Suède, Mankell brosse le portrait de ces générations de femmes (épouses, mères, ouvrières) qui ont dû lutter avec leurs propres désirs et renoncements pour exister et se faire une place au cœur d’une société où s’élaborait le modèle suédois.
Daisy Sisters, premier roman de Henning Mankell, renferme déjà les idéaux sociaux et politiques qui sous-tendent l’ensemble de son œuvre.
Au delà des collines.
Christian Mungiu. DVD de la BDI actuellement à la Médiathèque de Mézières.
Long métrage de 2 h 40.
Après un séjour en Allemagne qui fut pénible pour elle, Alina rentre chez elle en Roumanie et espère convaincre sa meilleure amie Voichita de quitter le monastère orthodoxe stricte où elle est réfugiée, mais lutte contre cet ennemi spirituel n’est pas facile. Ce qui ressemble à un dépit amoureux plonge soudain l’exilée Alina dans un état perçu comme un cas de possession par le pope, appelé « papa » par ses ouailles. Un exorcisme semble alors indispensable, mais est-elle possédée ou n’est-ce que le symptôme d’un pouvoir qui craint de perdre son autorité et doit donner une leçon ?
Et soudain la liberté.
Evelyne Pisier, Caroline laurent. 2018. Roman. Editeur : les Escales. Livre de la BDI, actuellement à la Médiathèque de Mézières.
Mona Desforêt a pour elle la grâce et la jeunesse des fées. En Indochine, elle attire tous les regards. Mais entre les camps japonais, les infamies, la montée du Viet Minh, le pays brûle. Avec sa fille Lucie et son haut-fonctionnaire de mari, un maurrassien marqué par son engagement pétainiste, elle fuit en Nouvelle-Calédonie.
À Nouméa, les journées sont rythmées par la monotonie, le racisme ordinaire et les baignades dans le lagon. Lucie grandit, Jusqu’au jour où elle lit Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir. C’est la naissance d’une conscience, le début de la liberté.
De retour en France, divorcée et indépendante, Mona entraîne sa fille dans ses combats féministes : droit à l’avortement et à la libération sexuelle, égalité entre les hommes et les femmes. À cela s’ajoute la lutte pour la libération nationale des peuples. Dès lors, Lucie n’a qu’un rêve : partir à Cuba. Elle ne sait pas encore qu’elle y fera la rencontre d’un certain Fidel Castro…
La familia grande.
Camille Kouchner. Témoignage. 2020.Editeur : Points. 199 pages.
Dans « La familia grande », Camille Kouchner raconte comment l’inceste a réduit son frère jumeau, victime, et elle-même, au silence et à la culpabilité pendant des décennies. Un récit essentiel, bouleversant, qui fait plonger dans les mécaniques de domination propres à l’inceste.
Un cauchemar éveillé, qui a effacé des années entières de sa mémoire. La familia grande est le récit poignant de Camille Kouchner, maître de conférences en droit, qui révèle et dénonce l’inceste subi par son frère jumeau, surnommé Victor, de la part de leur beau-père, l’universitaire renommé et influent Olivier Duhamel, de ses 13 à 15 ans, dans les années 80.
Le style brut, incisif, et pourtant, si poétique, de Camille Kouchner, illustre une mémoire fragmentée, méli-mélo brumeux de souvenirs pour certains vifs, brûlants, quand d’autres s’échappent comme du sable entre les doigts. C’est la réussite de l’emprise, qui malmène les certitudes, fait douter de soi, et des torts de l’autre. Le prix à payer : l’insouciance qu’elle et son frère jumeau ont perdue.
Journal :Marie-Claire.
Tant que le café est encore chaud.
Toshikazu Kawagichi. Roman. 2021.
Édité chez Albin Michel 238 pages.
Kawagichi est un dramaturge japonais de 51 ans.
Roman tiré de sa pièce écrite et 2015, un film a également été réalisé sous le titre de « café Funiculi Funicula »
C’est un roman très original à la limite d’un récit de science fiction.
A Tokyo, au café « Funiculi Funicula » situé dans un lieu plein de mystères, en dehors de la réalité, il paraît qu’en y dégustant un fabuleux café on peut remonter le temps ou aller dans le futur tant que le café n’est pas totalement refroidi.
3 femmes vont souhaiter revenir dans le passé et un aller dans le futur.
Pour cela il faut s’asseoir sur une chaise occupée par un fantôme. L’expérience n’est possible que quelques minutes par jour, lorsque le fantôme s’absente pour aller aux toilettes et tant que le café servi refroidisse.
Les 4 situations sont des évènements de la vie où les personnages sont très humains avec leurs regrets et leurs erreurs. Faire ce voyage leur permet de comprendre et voir ce que leur vie aurait pu être s’ils avaient osé poser des questions, mieux communiquer, écouter, faire des concessions ou bien se taire.
Les 4 situations :
– Une femme qui laisse partir l’homme qu’elle aime par faute de le lui avoir dit. Il part aux États Unis et il ne reviendra pas
– Une femme qui n’avait jamais osé parler d’une lettre écrite par son mari. Maintenant ce n’est plus possible de connaître l’histoire car il est atteint
d’‘Alzheimer
– Deux sœurs qui ne se comprennent pas
– Une femme qui recherche ses origines.
C’est un roman qui pousse à ne pas rester sur des non- dits, à faire en sorte de ne pas avoir de regrets et qui donne envie de vivre l’instant présent.
La morale qui en découle est que ce qui est fait est fait, et qu’il faut continuer d’avancer sans aucun regret en ne ratant pas les bons moments.
En tout cas que l’on aille dans le passé ou dans le futur le présent ne change pas.
Cœur du Sahel.
Djaili Amadou Amal .Roman. 2022 .Éditions Emmanuelle Collas. 364 pages. Livre à la Médiathèque de Mézières
L’auteure est camerounaise, peule et musulmane (les Peules sont traditionnellement pasteurs et musulmans. Ils sont établis dans toute l’Afrique de l’ouest), elle a écrit « Les Impatientes » livre avec lequel elle a atteint la finale du Goncourt en 2020.
« Cœur du Sahel » est une fiction inspirée de faits réels qui traite de la condition de la femme au Sahel. Contrairement « aux impatientes » qui traite de la vie des riches commerçants, ce dernier roman traite de la vie des domestiques.
Faydé (une fille de 15 ans) vit dans les montagnes dans l’extrême Nord du Cameroun avec sa mère, ses frères et sa sœur. Cette région du Sahel subit les changements climatiques et est sous le contrôle de Boko Haram (groupe terroriste dont l’objectif est de créer un État islamique intégriste avec une application stricte de la charia et une opposition à l’instruction des femmes).
Son beau-père a été emmené lors d’une razzia de Boko Haram, Faydé décide donc de quitter la montagne pour aller travailler en ville comme domestique. Elle abandonne l’école alors qu’elle est douée pour permettre à sa famille de mieux vivre grâce à l’argent qu’elle va leur envoyer. club de lecture de Mézières
Kondem, sa mère est inquiète car elle aussi est allée travailler en ville et elle s’est retrouvée enceinte suite au viol de son patron : le viol faisant partie de la tradition.
Ce livre nous raconte la vie harassante des domestiques, leurs débrouillardises pour améliorer le quotidien, le mépris des co-épouses, le droit de cuissage du maître de la concession. Il décrit deux mondes qui se côtoient mais ne se mélangent pas : les riches commerçants et ceux qui les servent.
Seule l’éducation et l’école peuvent permettre de s’en sortir. C’est ce que Faydé va faire car elle a eu la chance de tomber dans une bonne maison (même si le hasard fait que ce soit la même que celle où sa mère avait travaillé). Elle va pouvoir écouter les cours de Boukar, un cousin de ses patrons dont elle va tomber amoureuse. Mais c’est un amour impossible car les mariages sont toujours arrangés par la famille (il faut rester dans la même caste pour le prestige). Le roman se termine toutefois sur une note d’espoir.
C’est un roman passionnant sur la vie des femmes dans une concession (ensemble d’habitations constituées autour de patriarche) et il démontrer le rôle fondamental de l’éducation, seul issue pour que les mentalités et les comportements évoluent.
Le tour de France des bois et des forêts.
Alain Baraton. Promenade romantique. 2022. Edité par Stock. 157 pages.
Conteur hors pair, Alain Baraton nous invite à nous promener en sa compagnie dans quelques-unes de plus belles forêts de France. Le jardinier en chef de Versailles a noué une passion particulière pour les arbres. Il a été l’un des premiers en France à alerter sur les dangers qui les menacent, comme lors de la Tempête de 1999 qui signa la mort du tulipier de Marie-Antoinette, suivie de celle de son chêne, terrassé par la canicule de 2003. Qui a oublié l’image de ce géant déraciné, gisant dans la cour du Grand Trianon devant une foule venue le saluer une dernière fois ? Illustres ou obscurs, les arbres sont des témoins de notre histoire. Les forêts nous racontent notre mémoire collective, celle de Compiègne, dans laquelle fut signé l’armistice de 1918, abrite le chêne du roi Saint Louis. Elles nous parlent de nos peurs et de nos rêveries, grandes et petites, comme la mythique forêt de Brocéliande, ou encore la terrible forêt de Mercoire qui abrita la bête du Gévaudan. Elles réveillent nos souvenirs d’enfance, quand la forêt des contes, hostile, initiatrice, est aussi bienveillante, peuplée de féérie. Dans ce livre fourmillant d’anecdotes et de gai savoir, Alain Baraton nous parle aussi d’écologie heureuse et nous donne une bonne nouvelle : en France la forêt avance, elle a doublé sa superficie depuis 1850
Le temps des chemises vertes, révoltes paysannes et fascisme rural 1929 – 1939.
Robert O.Paxton.
Robert Paxton nous donne une nouvelle leçon. Il avait révolutionné l’histoire du pétainisme avec La France de Vichy. Pendant que, sur ce sujet devenu obsessionnel, beaucoup se contentent de rabâcher ce qu’il a écrit en 1973, le grand historien américain publie une magistrale étude consacrée à Henry Dorgères et à ses Chemises vertes, organisation d’extrême droite paysanne des années 30. Il comble là une immense lacune, tout en donnant un petit cours de méthode: «Comme s’ils ne pouvaient s’empêcher de surévaluer le rôle des gens qui leur ressemblent», les historiens voient toujours dans le fascisme un mouvement urbain ou intellectuel. Or la moitié de la population était alors paysanne, et Hitler et Mussolini ont connu leurs premiers succès parmi les agriculteurs: «C’est dans les campagnes que l’on peut le mieux étudier les potentialités et les limites d’un fascisme français dans les années 30.»
Ces potentialités, Henry Dorgères les incarna. Fils d’un boucher du Nord, ce journaliste agricole bâtit un empire de presse – Le Cri du paysan, Le Cri du sol, Haut les fourches! – et un réseau militant – les comités de défense paysanne – au service de la colère rurale. Principales victimes de la guerre de 14-18, ceux que l’on n’appelait pas encore les agriculteurs voyaient leurs revenus laminés par la chute des cours et l’inflation. Dorgères sera le meilleur interprète du sentiment d’exclusion alors dominant chez les campagnards, qui s’estimaient harcelés par l’Etat et sacrifiés au bénéfice de «ceux des villes». Doué d’un spectaculaire talent oratoire, ce tribun au cou de taureau sillonne les foires, tétanisant des assemblées de milliers de paysans. Prônant les vertus d’une «France paysanne» et réclamant la parité entre urbains et ruraux, il fait des terriens des acteurs politiques en inventant l’action directe: grève des impôts, opposition aux saisies, expéditions contre les salariés agricoles en grève, blocage des livraisons…
L’Express
Les résumés, disponibles sur internet, sont repris pour l’occasion par notre blog.