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L’inquiétude d’une restauratrice d’art

La restauratrice dans son atelier

Mathilde Mouilleron est restauratrice d’œuvres d’art à Mézières-en-Brenne dans l’Indre. Pour elle, comme de très nombreux professionnels de ce secteur d’activité, l’année qui s’achève restera marquée du sceau des restrictions et de l’incertitude. Mathilde Mouilleron est une travailleuse indépendante. Elle est spécialisée dans la restauration d’œuvres d’art exécutées sur du papier. Un champ d’action très large sérieusement chamboulé depuis le 17 mars dernier, premier jour du premier confinement. « Les conséquences sont assez simples à résumer. Plus de travail, plus de revenus. Tout s’est arrêté », constate amèrement Mathilde. Après une légère reprise cet été, de nouveau début novembre a sonné la fermeture de toutes les galeries d’art avec lesquelles elle travaille.

Un coup de frein brutal dans un parcours riche d’expériences, prometteur en projets.
Issue d’un milieu de conditions modestes éloigné du monde artistique, mais amateur d’art, Mathilde, dès sa plus tendre enfance, a baigné dans les parfums des musées. Une vie familiale et le hasard des rencontres la conduisent à l’école du Louvre à Paris. Ce sera donc l’étude de l’histoire de l’art. Un enseignement en marge duquel Mathilde va s’intéresser au travail concret sur les œuvres. « J’ai compris rapidement que le travail manuel me correspondait davantage ».

Elle va ainsi suivre son apprentissage dans l’atelier de moulage de l’école des beaux-arts, puis celui de la dorure sur cadre de la Ville de Paris. Elle s’essayera aussi à la restauration de céramiques.

Au final, son chemin la mènera au travail sur papier. Un matériau qui accueille une grande variété d’expressions : le dessin, l’aquarelle, le pastel, les estampes réalisés à l’encre comme au crayon à la sanguine ou à la pierre noire (type de crayon ou de craie qui donne un trait noir sombre et mat). Mathilde se familiarisera avec cet univers pour en maîtriser les techniques de restauration très pointues. Car de sérieuses compétences s’imposent pour corriger les tâches, déchirures et autres dommages subis par les œuvres. « C’est un travail qui exige de la patience, de la minutie et une grande capacité de concentration. Les opérations sont multiples. Elles dépendent du type de papier et d’encre et induisent des interventions qui portent sur la surface comme sur le corps du papier ».
Parfois, l’ouvrage prend des formes très volumineuses. Mathilde a exercé ses talents pour la rénovation d’un globe céleste de Coronelli, une sphère de 1 m de diamètre, comptant parmi les pièces maîtresses de la collection Camille Flammarion. « C’était un magnifique challenge qui m’a demandé 6 mois de travail. Une aventure menée en commun avec mon compagnon avec qui je partage la recherche de la perfection ».

Expérience concluante. Mathilde s’est attelée à la restauration d’autres globes (terrestre ou céleste). Le dernier en date est également un globe céleste de Coronelli datant de la fin du XVIIe siècle. La restauration de cette œuvre superbe a été commandée par l’observatoire astronomique de Strasbourg. Désormais, Mathilde compte en France, parmi les spécialistes de la discipline.

Assoiffée néanmoins d’expériences nouvelles, elle s’embarquerait bien volontiers vers d’autres horizons. « j’aimerais restaurer des paravents et plus largement travailler les papiers orientaux, aux textures différentes comme les Japonais ou les Chinois ».

Parution presse

Seulement depuis plusieurs mois, les ambitions sont au point mort. Les revenus ne sont plus issus du travail, mais des aides gouvernementales.
Pour survivre, elle perçoit les aides de l’État. 1500 € par mois dont il faut renouveler la demande chaque mois. « J’ai eu la chance de bénéficier d’une grosse commande en 2019, car l’aide est fixée en fonction du chiffre d’affaires de l’année précédente ». La compensation financière reste néanmoins très partielle et la solution par nature aléatoire et insatisfaisante. Ce qu’elle souhaite, c’est la possibilité de travailler normalement. De ce côté là, les perspectives sont pour le moins incertaines, même si son hyper spécialisation lui ouvre des possibilités de commandes . « Je travaille avec la galerie Lelong qui propose des œuvres d’artistes très cotés à des clients aux gros moyens financiers. Ce marché n’est pas en crise. Pour s’en convaincre, il suffit de constater que des œuvres du peintre David Hockney d’une valeur comprise entre trois et douze millions ont été vendues en quelques jours ». Autre motif d’espoir pour l’avenir, des contacts ont été pris avec des structures publiques. Ils concernent des projets de restauration et de création de globes ».

Un « optimisme » vite pondéré par les conséquences du confinement. La galerie Lelong ne peut pas offrir des perspectives si elle reste close. Par ailleurs, l’activité de Mathilde Mouilleron avec cette galerie ne représente qu’une partie de ses revenus. Elle doit compter sur des structures plus petites ainsi que des particuliers. Un secteur plus fragile qui concerne des artistes moins cotés, plus impacté par les fermetures de galeries et l’arrêt des expositions. « Dans ces conditions, les répercussions peuvent être grave pour ce qu’on appelle la sous-traitance du monde de l’art. Les restaurateurs, les encadreurs, et les transporteurs sont directement menacés. Quant à l’investissement public pour des projets à long terme. dépend en grande partie de l’État », rappelle-t-elle très circonspecte. « L’oubli » à plusieurs reprises du monde de l’art et de la culture en général lors de discours du Président de la République et du Premier ministre en dit long sur les intentions de l’État sur la question. La dernière intervention d’Emmanuel Macron qui semble redécouvrir l’importance de la culture pour la vie des gens ne rassure pas totalement Mathilde. « Bien sûr l’annonce de réouverture des galeries d’art puis des musées est positive. Mais on ne se relèvera pas si facilement de cette période de confinement, car la crise économique pèse durablement sur une partie importante de la clientèle». Mathilde Mouilleron reste dubitative quant aux capacités de ce secteur à retrouver un peu plus de stabilité. L’incertitude est toujours présente.

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