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L’affrontement de Pêchoire : 23 juillet 1944

 

LES CIRCONSTANCES

Localisé sur la D14A, entre Azay-le-Ferron dans l’Indre et Charnizay en Indre-et-Loire, le lieu-dit de Pêchoire serait l’équivalent berrichon de pêcherie, bien qu’il n’y ait pas d’étang à toute proximité. Les étangs Gillet sont situés à près d’un kilomètre au sud-ouest de la route.

Dans cette dense forêt de Preuilly, se dressent en bordure de route une stèle et huit cénotaphes qui rappellent l’encerclement des maquis d’Epernon et Carol par des militaires allemands le 23 juillet 1944.

L’annonce du Débarquement du 6 juin a signifié aux belligérants la proche fin de la guerre, même si maints combats restaient à mener sur l’ensemble du territoire pour que l’ennemi regagne son pays et que la France retrouve sa liberté et sa souveraineté, perdues en 1939. Toutes les forces vives nationales ont intensifié leurs actions, sous l’égide des mouvements de Résistance. De nombreux jeunes hommes, pour la plupart, se cachaient dans des maquis jouant au jeu du chat et de la souris avec ce qui restait de l’armée allemande, de plus en plus désorganisée et en déroute.

Dans l’Indre, il fut décidé – lors d’une essentielle réunion le 20 juin à Mézières-en-Brenne – un commandement unique des F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) sous la responsabilité militaire du colonel Chomel, alias « Martel », lui-même sous les ordres du colonel Mirguet, dit « Surcouf ».

Composé de cadres inscrits à l’Organisation de Résistance Militaire (O.R.A.), de formations de l’Armée Secrète (A.S.) et de personnel de l’ex 1er régiment de France, le groupement « Charles Martel » s’organisa en brigades et en bataillons pour structurer un effectif de 3000 hommes dont 150 officiers et 450 sous-officiers décomptés à la mi-septembre 1944. Par manque de temps et de matériel, un nombre conséquent de maquisards n’avait reçu qu’une instruction militaire sommaire leur permettant de se défendre au mieux.

C’est ainsi que les effectifs de deux compagnies du bataillon Carol et deux du bataillon d’Epernon se trouvèrent stationnés dans la forêt de Preuilly en position défensive. Avec l’aide active de la population locale et du receveur des Postes Delacroix, les bivouacs s’étaient déployés autour d’une maison forestière et d’un indispensable point d’eau. Les résistants géraient les 29 containers d’armes et de munitions enfin parachutés dans la nuit du 22 au 23 juillet sur la « drop-zone Montgomery» au sud de Charnizay. « La pirogue est debout dans la cave » avait été le code déclencheur de l’opération, entendu la veille sur l’unique récepteur radio à galène du maquis. Se remettant d’une nuit blanche, ils faisaient la sieste vers 14h30, en ayant une probable pensée pour Olivier Paquin, le fidèle chauffeur du prince Joachim Murat tué quelques jours auparavant aux côtés de son illustre supérieur, inhumé ce 23 juillet à Azay, quand …

deux colonnes allemandes motorisées d’environ 30 camions, dont certains équipés d’automitrailleuses, foncèrent sur le maquis via les routes venant de Charnizay et d’Azay-le-Ferron, prenant en étau la place et rendant les échappatoires difficiles. L’alerte donnée par les postes de garde de Charnizay et de la Raffinière ne suffit pas. Pris par surprise, les maquisards aux avant-postes engagèrent un héroïque et violent combat contre ce commando de représailles, équipé d’armes automatiques et de canons légers. Néanmoins, les Allemands restèrent en bord de route, n’osant s’engager dans une forêt qu’ils ne connaissaient pas.

Une question demeurera à jamais sans réponse : une dénonciation du lieu exact et des résistants stationnés est-elle à l’origine de cet affrontement ? L’arrestation le jour même d’un rôdeur âgé d’une vingtaine d’années, porteur de brassards avec une croix gammée et avec l’insigne de la Milice le laisse présager. Ayant avoué sa solde à la Gestapo, il sera exécuté à la grenade dans la maison forestière par le volontaire chargé de sa garde.

Les différents groupes « décrochent » au fil des heures et se replient en désordre à travers bois, vers le château de la Boussée et dans des maisons amies. Les blessés sont sommairement pris en charge. Le 17e B.C.P. se retrouvera dans la forêt de Lancosme pendant que le 32e R.I. se dirigera vers Sainte-Julitte, à 7km au nord de Charnizay (37).

Entre temps, l’ennemi s’est emparé et a détruit le précieux matériel récemment parachuté que les maquisards n’ont pu emmener.

Il est 5 heures du matin ce lundi 24 juillet 1944.

Ce même jour, Gaston Goblet et André Poignard, accompagnés d’un camarade, décident de revenir sur le lieu de l’assaut pour récupérer des armes et tenter de retrouver les disparus. Les Allemands, qui tiennent toujours la position, les achèveront sur place.

Fin de l’expédition de nettoyage des belligérants. Les récentes recherches n’ont pas permis de déterminer le nombre de tués côté ennemi, ni de retrouver la ou les unités engagées.

Bien entendu, le commandement « Surcouf » a été prévenu de cette attaque surprise dont les pertes ne sont pas encore établies. Ils seront au final huit maquisards identifiés, parfois tardivement.

Pour ne pas oublier leur mémoire, le parcours de vie de chaque combattant a été retracé.

Nous vous invitons à les découvrir après une présentation succincte des deux bataillons auxquels ils étaient rattachés : le 17e B.C.P. et le 32e R.I.

SOURCES :

  • Les noms de lieux de l’Indre – Stéphane Gendron – Académie du Centre – 2004.
  • Historique des unités combattantes de la Résistance – Indre – Général de la Barre de Nanteuil – opuscule du ministère des Armées – Etat-major de l’Armée de Terre – SHD Vincennes.
  • Résistance et Libération dans l’ouest de l’Indre – Daniel Chartier – Nouvelles éditions Sutton.
  • Rapport du sous-lieutenant Pierre du 01/08/1944 au commandant Charles, jamais publié. Communiqué par Patrick Grosjean.
  • SHD Vincennes – GR 1 K 369 2 – rapport du lieutenant-colonel R. Costantini du 26/08/1947 (Ex commandant du 32e R.I.).
  • Archives départementales d’Indre-et-Loire – 233J 2 – 233J 7.
  • Julien Chevalier, conservateur de l’ossuaire militaire allemand à Huisnes-sur-Mer (50).

Le 17e Bataillon de Chasseurs à Pied (B.C.P.)

Maquis Carol

« Le colonel Chomel se base uniquement sur la formation d’une ossature, composée de cadres, pour constituer une force résistante, fondée sur la hiérarchie et la discipline militaire. Pour lui, le 17e B.C.P. représente un des éléments qu’il peut espérer réorganiser. Le capitaine Jean Costa de Beauregard se lance à la recherche d’officiers et de sous-officiers de son bataillon. […] Leur objectif est de rechercher des lieux où il serait possible de rassembler des hommes et de constituer des dépôts d’armement. Ils les trouvent dans des fermes isolées et sûres. […] C’est ainsi qu’à la fin de 1943 ou au début de 1944, le capitaine de Beauregard (Carol) s’installe dans la Brenne avec 30 à 40 officiers et sous-officiers. […] Le premier travail de Carol est de regrouper les hommes, qui sont en majorité des réfractaires originaires du pays, dans de petits camps. Sont ainsi constitués des groupes de 30 à 40 jeunes qui se répartissent dans les bois du Devant, les forêts d’Azay et de la Fâ, près de Sainte-Gemme.

En février 1944, on compte ainsi 200 maquisards. […]

Le maquis ne possède, au début, que peu d’armement, composé par ce qui avait pu être sauvé lors de l’arrivée des Allemands en 1942 et qui était entreposé dans des lieux divers. Peu à peu, le ravitaillement s’effectue par parachutages. […] Ils comprennent principalement des armes, du matériel d’optique, de transmission et des vivres. Des stocks sont ainsi constitués dans les fermes de la Brenne.

En aucun cas, le maquis ne monte d’actions directes, soit contre l’ennemi, soit contre les représentants de l’autorité gouvernementale. Il représente une installation de zones de regroupement des divers éléments combattifs et de mise en place du matériel pour le jour J.

Le 6 juin […] commence alors la guérilla, l’attaque de petits convois allemands. »

Extrait du livre « l’organisation de la Résistance dans l’Indre juin 1940 – juin 1944 » pages 162 et 163. Autoédition de Michel Jouanneau.

Le 32e Régiment d’Infanterie (R.I.)

Maquis d’Epernon

En 1942, le 2e bataillon du 32e RI, armée d’armistice, tient garnison dans la région lochoise sous le commandement du chef de bataillon René Costantini. Après la dissolution de l’armée d’armistice, le commandant Costantini s’intègre immédiatement à l’ORA et élit domicile à Loches.

Au XVIIe siècle, le duc d’Epernon avait son siège ducal à Loches dont il était le seigneur féodal. Il était également gouverneur de la forteresse et, à ce titre, symbolisait la résistance aux ennemis du royaume. C’est cela qui fait dire au colonel Chomel, responsable de l’ORA dans la région, rendant visite au commandant : « A l’exemple du duc d’Épernon, vous représentez vous aussi la résistance à l’ennemi, aussi vous serez « d’Épernon » dans la Résistance et la formation dont vous allez prendre le commandement, prendra le nom de maquis d’Epernon. »
Le commandant Costantini prend rapidement des mesures pour la constitution de ce maquis, s’employant à coordonner l’ensemble de ce mouvement clandestin.
Le maquis bénéficie pour son armement de deux parachutages : à Luzillé (« Poulpe ») et Obterre (« Montgomery »). De même, les parachutages dans l’Indre (Yzeures-sur-Creuse) contribuent à armer le maquis. La zone d’action du maquis d’Épernon se situe au sud de l’ancienne ligne de démarcation dans la zone lochoise rattachée à l’Indre. Il campe successivement en forêt de Preuilly ou dans les bois de Paulmy, de Sainte-Julitte et de la Celle-Guenand. Le maquis d’Épernon est rejoint par le maquis Césario qui, lui-même, a reçu le renfort du groupe de l’ORA de Bienvault (ce dernier ayant été arrêté par les Allemands), et par le groupe Berthault de Manthelan.

Outre les multiples actions de guérilla et de harcèlement menées jusqu’au 23 juillet 1944, il faut noter que se succèdent de plus amples opérations : combats particulièrement intenses dans la forêt de Preuilly, dispersion des unités Costantini dans la forêt de Sainte-Julitte, ainsi que du bataillon Carol dans la région de Buzançais (Indre) et dans le bois des Michodières. A partir du 4 août, le maquis d’Épernon pratique une série d’attaques de harcèlement, de sabotages, de coupures de routes par abattage d’arbres, destruction de ponts et de caténaires. Cette succession d’embuscades et de coups de mains entrave considérablement la retraite des unités allemandes.

Fin août 1944, après la libération de la région, le maquis d’Épernon est articulé avec un poste de commandement, un état-major et deux bataillons. Le maquis d’Épernon défile à Tours libérée le 4 septembre 1944. Le 32e régiment d’infanterie vient de renaître.

D’après Jack Vivier in cédérom La Résistance en Indre-et-Loire, AERI, 2005. Avec l’aimable autorisation du https://museedelaresistanceenligne.org/ via Laurent Thiery.

Charles Fabre (1920-1944)

Charles voit le jour le 24 juin 1920 en Occitanie, à 20km au sud de Nîmes dans le village de Beauvoisin. Albert, son père, est alors cultivateur. Sa mère Marie-Louise élèvera trois enfants : Alberte, l’ainée et Simone, la cadette. Seul fils de la famille, Charles dès 16 ans travaille la terre puis les vignes. Il aurait été enfant de troupe.

Initialement enrôlé dans le 1er régiment de France, une unité militaire créée en 1943 par le gouvernement de Vichy pour lutter contre la Résistance que de nombreux engagés finiront par rejoindre, «  Charlot » intègre le maquis Carol au 17e BCP mi-juin 1944.

Agent de liaison motocycliste, il conduisait un side-car qui l’a amené à être affublé d’un second surnom : « le motard » aux dires de Robert Boutin, son camarade de combat. Ce dernier se souvient s’être exercé à la conduite du trois roues et à des exercices de tirs dans la campagne. Parfois, ils allaient tous les deux flirter avec les jeunes filles brennouses.

Les deux compères ont aussi fait sauter une citerne d’essence à la grenade et tué le chauffeur d’un camion ennemi vers La Roche-Posay.

Un compte-rendu, rédigé le 1er août 1944, raconte que « Charlot » s’est vu confier ce 23 juillet la garde de trois prisonniers, déchargeant ainsi le chef Bastard d’un encombrant fardeau qui l’empêchait de poursuivre les combats.

Le corps de ce résistant n’a été découvert que le 30 juillet. Il a été inhumé le lendemain dans le cimetière d’Azay-le-Ferron comme « inconnu », vêtu d’une veste en treillis de couleur kaki, d’un pantalon et chaussé de brodequins.

Ce n’est que le 2 mai 1945 que les parents du « grand Charles » – il mesurait 1,80 m – ont certifié aux gendarmes qu’il s’agissait de leur fils. L’acte de décès a été rectifié en conséquence par jugement du tribunal civil du Blanc le 22 août de la même année, après des tristes démarches réalisées par la famille.

Roger Morève, maire de Mézières-en-Brenne et président des anciens du maquis Carol, a demandé et obtenu que la mention « Mort pour la France » soit inscrite en marge du registre d’état-civil.

En 1949, Charles Fabre «  patriote courageux » s’est vu décerner à tire posthume la Croix de guerre avec étoile de bronze.

SOURCES :

  • Archives départementales du Gard.
  • Commune d’Azay-le-Ferron.
  • SHD Vincennes – GR 16P 213796.
  • Archives départementales de l’Indre – 3U4-353.
  • Témoignage oral de Robert Boutin du 20/09/2023.
  • Rapport du sous-lieutenant Pierre du 01/08/1944 au commandant Charles, communiqué par Patrick Grosjean mais jamais publié.

 

Marcel Girard (1924-1944)

Marcel voit le jour le 24 mai 1924 dans le hameau de Cerçay sur la commune de Ligueil (37), bourg situé à 35km au nord de La Roche-Posay. Il est le second et dernier enfant de Louis, journalier et de Léontine.

Les archives n’ont pas permis d’en savoir plus sur cette famille qui est demeurée en Touraine.

Pendant les hostilités, Marcel habitait et travaillait à la ferme de la Godière, à Paulmy au nord du Grand-Pressigny.

Il est arrivé au maquis d’Epernon – stationné en forêt de Preuilly – le 18 juillet 1944 pour y recevoir une formation de combattant. Il fut mortellement blessé au cours de l’attaque allemande sans que l’enquête diligentée par la gendarmerie en 1946 ne puisse établir les circonstances exactes de sa fin.

Son chef de groupe, le caporal-chef André Morin, a néanmoins expliqué au chef de bataillon René Costantini dans un courrier non daté que son «  tireur Girard a été touché dès le décrochage à la Sablière, il m’était impossible de retourner dans cette direction porter secours à Girard et chercher le F.M. car, à ce moment, les Allemands sautaient des camions pour nous poursuivre. »

Le secrétariat de la mairie de Charnizay qui a enregistré l’acte de décès a inscrit dans sa marge « Mort pour la France ».

SOURCES :

  • Archives départementales d’Indre-et-Loire pour l’état-civil et les recensements en ligne.
  • SHD Vincennes 16P 257438 et Caen 21P 195057.
  • Archives départementales d’Indre-et-Loire – 233J 7.

Gaston Goblet (1920-1944)

La famille Goblet est originaire de Bossay-sur-Claise (37) aux confins du sud de la Touraine et à quelques kilomètres de l’Indre. C’est dans la ferme familiale, au lieu-dit Le Tremble, que Gaston nait le 30 mars 1920. Il est le premier fils d’Auguste et d’Yvonne, cultivateurs. Deux autres enfants suivront. La fratrie passera sa jeunesse à la Haute-Touche.

Nous retrouvons sa trace dans un chantier de jeunesse en Saône-et-Loire (71). C’est dans cette région qu’il rencontre Huguette qui deviendra son épouse la veille de Noël de l’année 1941. Elle décèdera le 10 juillet 1942 rendant orphelin de mère le jeune Michel né le 16 décembre 1940.

De retour dans l’Indre, Gaston a travaillé à la SNCF à l’entretien des voies comme homme d’équipe avant de rejoindre les maquisards du 17e B.C.P. dès le 6 juin 1944. A l’issue d’une formation accélérée, il sera rapidement nommé chef de groupe (= sergent). Ayant réchappé de l’affrontement du 23 juillet Gaston obtint, dès le lendemain, l’autorisation de son chef de revenir sur les lieux avec un vieil autobus pour relever les morts, récupérer les éventuels blessés, les armes, leurs munitions et tout autre matériel abandonné. Il était accompagné d’André Poignard et de Robert Catoire (?).

Mais l’ennemi rodait encore. C’est à la suite d’une panne du car que Gaston fut fait prisonnier en bordure du parc du château de la Boussée. Conduit sur le site de Pêchoire, il a été « maltraité » et durement interrogé. Les Allemands souhaitaient connaître la position de son groupe pour, probablement, poursuivre la tuerie débutée la veille. L’absolu silence de ce valeureux combattant conduira à son exécution de deux balles de revolver dans la nuque.

Le corps sera découvert sous des bâches deux jours plus tard et inhumé dans le cimetière d’Azay-le-Ferron.

Michel, son jeune fils confié à son grand-père, a été adopté par la Nation au titre de pupille.

La mention « Mort pour la France » est couchée en marge de l’état-civil de Gaston Goblet depuis le 25 novembre 1957.

SOURCES :

  • Archives départementales d’Indre-et-Loire pour les états-civils.
  • Archives départementales de l’Indre – 3U4 527.
  • SHD Caen – 21P 193528.
  • Mairie d’Azay-le-Ferron.
  • Résistance et Libération dans l’ouest de l’Indre – Daniel Chartier – éditions Sutton – pages 54 et 55.
  • Michel Goblet.

Maxime Guérineau (1922-1944)

Photos d’illustration, prises après-guerre par Guy Mas, photographe du Général de Gaulle pendant le conflit.

Maxime est peut-être le cadet masculin d’une fratrie de deux sœurs dont la famille demeurait à Neuil, petite commune rurale située au nord ouest de Sainte-Maure-de-Touraine. Il y voit le jour le 27 janvier 1922. Son père, Aimé, exerce le métier de scieur pendant que Germaine, sa mère, est femme au foyer.

La famille quitte Neuil peu de temps après la naissance de Maxime.

Au moment de l’Occupation, le jeune homme était ouvrier d’usine. En 1941, il est « affecté comme travail obligatoire sur les côtes », sans autre précision. Au cours d’une permission l’année suivante, pour retrouver sa liberté, il s’est caché dans les bois et il y a travaillé comme bûcheron. Son parcours le conduit à passer en zone libre, au mois d’août 1943, quelque part en Indre-et-Loire. Messieurs Robert et Dourreau hébergeront Maxime qui rejoindra le maquis en mai 1944.

C’est ainsi qu’il est affecté au groupe Epernon, sous les ordres du capitaine Desbiens et qu’il se retrouve en forêt de Preuilly, assigné à la surveillance de la route Charnizay-Azay quand …

pris sous le feu nourri ennemi ce 23 juillet, l’adjudant Morin en position de repli raconte «  j’ai eu la surprise de voir que Guérineau n’était plus à nos côtés ; moi et mes deux autres hommes avons appelé et fouillé les abords quelques instants pour le retrouver, mais en vain. »

Nul ne saura jamais si Maxime s’est égaré ou a été fait prisonnier.

Son corps, non identifié, a été retrouvé le 28 juillet 1944 sur la commune de Mézières-en-Brenne, au lieu-dit les Grandes Salles. Il était criblé de 11 balles dont 9 au niveau de la poitrine, laissant penser à une exécution en règle.

Ce n’est que le 16 mars 1947, au cours d’une exhumation, que sa maman reconnaîtra formellement son fils grâce à sa dentition et à sa ceinture. Un jugement du 17 avril 1947 ordonnera la rectification de l’état-civil. Il est enterré dans le cimetière d’Azay-le-Rideau (37).

Maxime Guérineau est «  Mort pour la France » depuis le 9 octobre 1947.

SOURCES :

  • Archives départementales d’Indre-et-Loire pour l’état-civil et les recensements en ligne et 233J 7.
  • Archives départementales de l’Indre, 999W 127.
  • Mairies de Mézières-en-Brenne et d’Azay-le-Rideau.
  • SHD Vincennes 16P 275159 – Caen 21P 197542.

Abel (André) Legras (1920-1946)

C’est à une poignée de kilomètres au nord de Loches, sur la commune de Chédigny (37) qu’Abel Jules Pierre André est né le 29 novembre 1920 dans la ferme familiale du lieu-dit La Rochette.

Il est l’ainé d’une fratrie d’au moins 3 enfants : sa sœur Madeleine voit le jour en 1922 suivi par Roger l’année suivante. Leur père, Abel est cultivateur. Marie, la maman gère la maisonnée.

Vers 1930, la famille quitte le village probablement pour Villeneuve-le-Roi (94) en région parisienne où demeuraient les parents d’Abel après guerre ?

Le jeune homme commence à apprendre le métier de boulanger.

Nous le retrouvons le 6 juin 1944, affecté à la compagnie Bastien du bataillon Carol, sous les ordres de l’aspirant Pierre Ragot.

Photos d’illustration, prises après-guerre par Guy Mas, photographe du Général de Gaulle pendant le conflit.

Le 23 juillet, le chasseur Legras était guetteur au poste de la Raffinière, à une centaine de mètres d’un fusil mitrailleur. Il signala rapidement la présence allemande composée de camions transportant des troupes, d’une ambulance et de deux canons légers. L’attaque débuta sous les feux nourris de mitraillettes, de grenades et d’un canon de 25 auxquels un fusil mitrailleur français répliqua au mieux. C’est en se repliant qu’Abel reçut une balle dans le pied et cinq éclats de grenade à la cuisse. Il fut retrouvé seul et ayant perdu beaucoup de sang mais les armes toujours à la main dans ce qui était communément appelé « l’allée jaune ». Les hommes du groupe Bastard le prirent en charge pour le mettre en un lieu plus sûr.

Ce combattant du 17e B.C.P. qui se faisait appeler André est décédé des suites de ses blessures le 18 juin 1946 au domicile de ses parents.

En dépit d’une demande de son père, la mention « Mort pour la France » ne lui a jamais été décernée.

SOURCES :

  • Archives départementales du Val-de-Marne pour les recensements en ligne et 7E 730 pour l’acte de décès.
  • Archives départementales d’Indre-et-Loire pour l’état-civil et les recensements en ligne.
  • Madame Marie-Sylvie Beuzard qui a permis de retrouver le véritable prénom de naissance d’Abel, à partir du document SHD Vincennes GR 19P 36.
  • Rapport du sous-lieutenant Pierre du 01/08/1944 au commandant Charles, jamais publié. Communiqué par Patrick Grosjean.
  • SHD Vincennes – 16P 356830.

 

Edmond Parent (1926-1944)

Belges de naissance, Désiré et Florentine demeuraient temporairement à Alfortville (94) lors de la naissance d’Edmond le 17 mai 1926 à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris 13). Ils exerçaient les métiers de journalier et de femme de ménage. Les archives sont muettes quant à l’existence d’une fratrie.

La maman d’Edmond, remariée, vivait à Saulgé au sud de Montmorillon (86) en 1946. Ce qui expliquerait la présence du jeune homme dans la région au chantier de jeunesse 34, vers Douadic …

Il a rejoint le maquis Carol comme « volontaire » F.F.I. au mois de juin 1944.

Selon un témoignage oral, Edmond semblait avoir débuté des études de séminariste.

Où était-il le 23 juillet lors de l’engagement à Pêchoire ?

Son corps, criblé de balles ennemies, n’a été retrouvé que le 31 en bordure d’une allée forestière.

Enterré « inconnu » dans le cimetière d’Azay-le-Ferron, il fallut réaliser, comme pour d’autres camarades de combat, une exhumation le 11 mai 1945 en présence de sa mère qui a confirmé reconnaître son fils.

Cette dernière s’est démenée auprès des autorités pour faire inscrire la mention «  Mort pour la France » en marge de l’état-civil d’Edmond. Ce qui fut enfin régularisé le 31/12/1957.

SOURCES :

  • Archives départementales du Val-de-Marne pour l’état-civil et les recensements en ligne.
  • Archives départementales de la Vienne pour les recensements en ligne.
  • Archives départementales de l’Indre, 3U4 – 353.
  • Mairie de Paris pour l’acte de naissance.
  • Mairie d’Azay-le-Ferron pour l’acte de décès.
  • SHD Caen – 21P 125869.
  • Témoignage oral de Robert Boutin du 20/09/2023.

André Poignard (1921-1944)

André vécut sa jeunesse entouré de six frères et sœurs dans le hameau de Genouilly sur la commune de Saint-Jean-de-Braye (45), à l’est d’Orléans. Jules et Eugénie, ses parents, étaient cultivateurs. Ce premier fils, né le 12 avril 1921, suivra l’ainée Madeleine.

Alors qu’il marchait sur les pas de la destinée familiale professionnelle, la Seconde Guerre éclate.

Pour une raison inconnue, André est engagé au mois de mai 1939 dans le 503e régiment de chars de combat à Versailles (78).

Fait prisonnier en Belgique en 1940, il sera libéré au motif de soutien de famille, sachant qu’il est l’ainé des garçons.

Le 16 avril 1942, en la maison commune de Chécy, André épouse Simone. Le couple se séparera quelques mois plus tard.

Nous le retrouvons en juin 1944 au sein du maquis Carol. C’est avec le grade de sergent qu’il participe à des embuscades et des «  coups de main contre l’ennemi ».

Le lendemain de l’engagement de Pêchoire, ce valeureux résistant décida avec deux de ses camarades, dont Gaston Goblet, de revenir sur les lieux avec un car pour récupérer les blessés et pour rechercher les morts de la veille. Des Allemands étaient, eux aussi, encore présents. André fut tué de balles en pleine tête.

Son camarade Robert Catoire, chargé avec d’autres de relever les corps, découvrira le sien dans le pré situé devant le château de la Boussée. Il sera inhumé dans le cimetière d’Azay-le-Ferron le 25 juillet.

Bien qu’André ait été identifié par ses compagnons de combat, son beau-père Lucien Labbe, viendra présenter plusieurs photos de son gendre au secrétaire de mairie le 6 mai 1945 aux fins de confirmer son état-civil. Le nécessaire sera alors fait administrativement pour donner un nom à ce décès d’un « inconnu ».

En 1946, André Poignard a été nommé « Mort pour la France ».

SOURCES :

  • Archives départementales du Loiret pour les recensements en ligne.
  • Mairie d’Orléans pour l’acte de naissance.
  • Mairie de Chécy pour l’acte de mariage.
  • Mairie d’Azay-le-Ferron pour l’acte de décès.
  • Archives départementales de l’Indre – 3U4-353.
  • SHD Vincennes – 16P 483023.

André Puech (1921-1944)

Si ce n’est qu’il soit décédé le 23 juillet et que son corps ait été retrouvé vers « la garderie », une maison utilisée par un gardien, la présence d’André dans le maquis demeure un mystère. Après guerre, sa parentèle n’a pas déposé de dossier de reconnaissance comme résistant auprès des autorités compétentes de l’époque.

André Puech est né le 8 janvier 1921 au 6 rue de Sévigné au centre de Paris (4e arrondissement). Son père Maurice exerce le métier de chauffeur et sa mère Anne-Marie est ménagère.

Dans la seconde partie des années 30, la famille déménage au 18 avenue Gambetta à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne aujourd’hui).

Le 18 septembre 1943, André, secrétaire, convole en justes noces avec Ginette Maupu, couturière.

De cette union, Pierrette voit le jour au domicile choisyen* le 22 avril 1944.

Aux dires de son épouse, André était dans le Berry depuis le 22 juillet, probablement pour se mettre au service de la Résistance.

Comme d’autres camarades, il a été inhumé « inconnu » dans le cimetière d’Azay-le-Ferron. Après une exhumation réalisée le 25 septembre 1944, les parents et un oncle d’André ont confirmé son identité.

En 1946, Ginette demeurait avec sa mère et sa fille à Vitry-sur-Seine.

*choisyen : habitant de Choisy-le-Roi

SOURCES :

  • Commune d’Azay-le-Ferron.
  • Archives de Paris.
  • Archives départementales du Val-de-Marne : recensement de 1946 à Vitry-sur-Seine (780/883) et état-civil Choisy-le-Roi 1943-1952 – 4E-1895 – 5E-245 (acte de naissance de Pierrette).
  • Archives départementales de l’Indre – 3U4-353.
  • Absence de dossier au SHD.

 

Claude Rabineau (1926-1944)

Tourangelle, la famille Rabineau demeurait au centre du village de Beaulieu-les-Loches (37). Daniel, maçon et Léone, mécanicienne, y ont accueilli leur fils unique Claude le 29 octobre 1926.

C’est à l’âge de 17 ans que le jeune homme rejoint le maquis d’Epernon comme volontaire, sous les ordres du commandant Costantini.

En formation depuis quelques jours et cantonné aux avant-postes, il a succombé dès le début de l’assaut sous les balles de la colonne motorisée ennemie.

Son corps, gisant en bordure du champ dit de la garderie, n’a été découvert que le 30 juillet. Le docteur Calas, médecin à Azay-le-Ferron, a constaté que cet inconnu mesurant 1,70 mètre portait une chevalière et une médaille laïque.

Son père Daniel est venu reconnaître son fils le 13 octobre 1944 et a fait transporter ses restes dans sa ville natale.

C’est Léone, sa mère alors devenue veuve, qui obtiendra la citation « Mort pour la France » seulement le 24 juillet 1962.

SOURCES :

  • Archives départementales d’Indre-et-Loire pour les recensements en ligne.
  • Mairie de Beaulieu-les-Loches pour l’acte de naissance.
  • Mairie d’Azay-le-Ferron pour l’acte de décès.
  • Archives départementales de l’Indre – 3U4 353.
  • SHD Vincennes 16P 496631 et Caen 21P 142586.

TABLEAU SYNTHETIQUE

 

 

Nom, prénom

Situation de famille

Âge

Maquis d’appartenance

Date de la découverte du corps

Lieu du décès

Date de l’exhumation

Fabre Charles

célibataire

24

17e B.C.P. – Carol

30 juillet

Pêchoire

02/05/1945

Girard Marcel

célibataire

20

32e R.I. – Epernon – 1e Cie

23 juillet

Charnizay (37)

Goblet Gaston

marié – un fils

24

17e B.C.P. – Carol

26 juillet

Pêchoire

Guérineau Maxime

célibataire

22

32e R.I. – Epernon – 1e Cie

28 juillet

Mézières-en-Brenne

16/03/1947

Legras Abel (André)

célibataire

23

17e B.C.P. – Carol

18 juin 1946 (décès)

Villeneuve-le-Roi (94)

Parent Edmond

célibataire

18

17e B.C.P. – Carol

31 juillet

Pêchoire

11/05/1945

Poignard André

marié – sans enfant

23

17e B.C.P. – Carol

24 juillet

Pêchoire

06/05/1945 (simple rapport de gendarmerie)

Puech André

marié – une fille

23

?

25 juillet

Pêchoire

25/09/1944

Rabineau Claude

célibataire

17

32e R.I. – Epernon – 2e Cie

30 juillet

Pêchoire

13/10/1944

 

 

 

Photos d’illustration,

prises après-guerre par Guy Mas, photographe du Général de Gaulle pendant le conflit.

SOURCE : ECPAD

CARTE EXPLICATIVE

SOURCE : Archives départementales d’Indre-et-Loire – 233J 7.

La liberté appartient à ceux qui l’ont conquise.”

André Malraux lors d’un discours.

Dans son livre, le colonel Jean Druart a très justement résumé cet affrontement :

« Au sens militaire du terme, ce fut un échec, dans la mesure où nous avons dû abandonner le terrain. […] Au lendemain, … nous constations que l’enthousiasme de nos jeunes gens, la cohésion de la collectivité fraternelle qu’ils constituaient, la confiance qui les liait à leurs cadres, les forces morales pour tout dire s’étaient forgées. Avec elles, c’était l’espérance d’avoir tôt ou tard le dessus sur l’adversaire. »

Le premier monument commémoratif, érigé dans la forêt dès 1947 grâce à la famille Assailly, a permis aux combattants survivants des deux anciens maquis de s’unir à nouveau pour rendre hommage à leurs compagnons disparus mais aussi pour retrouver ces « forces morales » qui les ont tant portés pour parvenir à recouvrer la liberté de leur pays.

Au fil du temps, bien qu’il ne soit pas décédé sur place, le nom d’Abel Legras a été ajouté sur le second mémorial dressé en bord de route. Indiqué par inadvertance, André, son prénom d’usage est demeuré. Un autre André nommé Puech, jeune homme arrivé au maquis la veille de cet affrontement, n’a jamais été répertorié. Il est pourtant une victime qui mérite d’être honorée au même titre que ses camarades.

L’Histoire n’est jamais figée. Il appartient juste de corriger les faits au fil des éléments nouveaux découverts.

 

Textes rédigés par Chantal Kroliczak pour le compte de l’Association Culturelle Macérienne

Date de rédaction : février 2024

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