Samedi 8 juillet, le parc du château d’Azay-le-Ferron accueillait une promenade poétique et artistique inclusive. « Belle balade ». Une œuvre collective produite par trente personnes, dont quinze en situation de handicap. Elle résulte de la conviction que l’art est un partage et que son point vital est la rencontre des individus dans toute leurs différences.
« Inspirez, ouvrez grand les bras, grand les côtes… Ouvrez la cage… Expirez… Encore .» Dernière préparation de la troupe avant le début du spectacle. Louise Cazy, danseuse et chorégraphe et Véronique Legangneux, clown, prodiguent les ultimes conseils. « Prenez du plaisir. Le temps passe vite, alors savourez chaque instant pour bien en profiter », rappelle Véronique.
Il est alors temps de la mise en place. Quelques instants mis à profit pour accueillir le public, à qui on a demandé de patienter derrière la lourde porte d’accès au jardin. Louise, Caroline Maigne-Neveu, l’organisatrice de cet événement, accompagnées de Christine et d’Eden, invitent les spectateurs à les suivre. Ils sont plus de 150. Le nombre est déjà une belle surprise. « C’est un méga cadeau pour tous les participants », se réjouira plus tard Louise.
Au rythme d’un tambourin, le public franchit la cinquantaine de mètres qui les séparent du premier tableau. À l’ombre d’un bosquet, la scène présentée évoque le vent. Le souffle de l’air reconstitué par divers instruments, porte le mouvement de plusieurs danseuses et danseurs. La douceur des gestes offre une sensation de sérénité, bien captée par l’assistance. Les applaudissements y répondent spontanément, dès la prestation achevée.
Le tambourin reprend du service pour conduire tout le monde vers le deuxième tableau. Il s’agit là de montrer une succession de photographies. Des instantanés reproduits par une demi-douzaine de personnes, qui traduisent toute une série de sentiments. Grimaces, clowneries, postures comiques expriment entre autres, la peur, la joie, la colère.
Nouveau déplacement au son des percussions. Un peu plus loin, c’est le monde de l’eau qui attend la foule. Une musique accompagne la déambulation des artistes, mimant les poissons. Dernière phase de pure expression corporelle où chaque participant prend sa place, à part entière, quelle que soit ses dispositions physiques.
Tous les membres du collectif rejoignent les danseuses et danseurs. En demi-cercle face à l’auditoire ils entonnent une chanson écrite et composée pour la circonstance. « Belle balade » est est le fruit d’une création commune. « Nous nous sommes répartis en quatre groupes pour écrire des phrases, raconte la chanteuse Marie Coutant. qui a composé la mélodie. Je m’attendais à quatre vers. Finalement quatre couplets ont été rédigés. Tout le monde s’en est imprégnée immédiatement. »
Cette réussite se retrouve dans le plaisir avec lequel la troupe interprète la chanson et va ensuite au contact du public pour l’inviter à le rejoindre.
De longs et chaleureux applaudissements ponctuent la fin du spectacle.
De cette rencontre émerge le bonheur simple d’être ensemble. On chante, on rit, on se congratule, on danse, on échange ses impressions.
Sylvette, participante au projet, arbore un large sourire. Elle exprime la satisfaction générale « C’était très bien. Ça fait plaisir »
Sylvie, son accompagnatrice, impliquée également dans la troupe, ne boude pas son plaisir. « Nous avons passé beaucoup de temps ensemble. Ce fut l’occasion de faire la connaissance d’autres bénévoles, d’autres professionnels. »
L’ouverture à un nouvel univers a enrichi nombre de participants. À commencer par les intervenants. Marie Coutant s’en félicite. « C’est une première expérience professionnelle avec le milieu du handicap ». Une première fois qui bouscule aussi, comme le décrit Karine. « Je me suis exprimée artistiquement dans des disciplines que je n’exerce pas habituellement. Je suis sortie de ma zone de confort, en quelque sorte, mais pour ma plus grande joie et le plaisir de créer de nouveaux liens», assure-t-elle.
Le témoignage de Karine résume la performance de chaque membre de la troupe. Du travail pour atteindre une certaine forme d’harmonie. C’est l’enseignement qu’en tire Véronique. « L’impression forte qui se dégage c’est d’être tous sur la même longueur d’onde. On a vécu, respiré, mangé ensemble. Et finalement les applaudissements sont venus comme une reconnaissance. On se sent littéralement porté .»
Un public, ravis par cette balade, était venu de divers horizons. « Il y avait du monde de Châteauroux, de Valençay, de Saint-Gaultier, de Lureuil, du département de la Vienne et même des Belges en vacances à Bellebouche », se réjouit Caroline.
L’enchantement unanime a de quoi donner des ailes à l’organisatrice de cette après-midi poétique. Caroline ne se prive pas d’envisager une suite. « On ne va pas en rester là » lance t-elle, quelques minutes après la fin de la balade. La responsable de la médiathèque d’Azay-le-Ferron paraît fermement décidée à reprendre son bâton de pèlerin pour monter un autre projet. À l’instar de cette œuvre collective, issue d’un projet culture santé, où la médiathèque d’Azay-le-Ferron s’est associée au contrat local santé du PNR.
S’y sont impliqués quinze personnes en situation de handicap. Trois personnes par structure médicale (Atout-Brenne, ADAPEI Châteauroux, Mas de Lureuil, MAS et IEM Valençay, MAS de Targé). Le travail s’est étalé sur une période de trois mois, où ce sont succédé les répétitions en salle, des journées d’immersion dans la nature, avec observation de la faune et de la flore initiées par Claire Heslouis du CPIE et de Manon Luneau. Pique-nique ateliers ont constitué des étapes de la création, finalisée par les trois derniers rendez-vous de juillet.
Et comme pour tout spectacle vivant, sa mise au point a demandé des ajustements de dernière minute. C’est ce que confie Louise Cazy. « En milieu naturel, l’espace de création se complexifie. De grosses difficultés sont apparues pour gérer les déplacements, par exemple. Mais nous avons su tous ensemble relever le défi. »
Il reste de cette immense implication collective, le bonheur d’une réalisation artistique partagée.
« Avec la Belle balade, je retrouve foi en l’humanité. L’être humain est vachement beau dans toutes ses différences. Alors ! Cultivons les », s’émerveille la danseuse.
À la suite de la balade, une guinguette était ouverte. Elle a permis au public et aux artistes de partager toutes ces belles émotions pour un long moment encore.
* Ce projet est soutenu par de nombreux partenaires : la DRAC et l’ARS, le PNR de la Brenne.